Extrait 2

Il était largement en avance pour son rendez-vous : avec un sourire enthousiaste, Syn s’engouffra dans le labyrinthe d’échoppes. Toute sensation de froid disparut.

Au milieu du flot bruyant de visiteurs, il progressa tant bien que mal dans les méandres du marché, hypnotisé par les étalages de richesses exotiques et de savoir-faire extraordinaires des exposants. Toutes les espèces de la galaxie connue, pour leur majorité intégrées au jeune Empire, étaient représentées dans la foule éclectique qui bourdonnait d’un côté ou de l’autre des comptoirs.

Un Wadi massif de la Maison des Artisans attira son attention. Géant simiesque de trois têtes plus haut qu’un humain, il faisait la démonstration de ses talents de menuisier en usant avec habileté de ses deux paires de bras. Les deux premières mains tenaient amoureusement une planche de bois brut, les deux autres sculptaient sans outil apparent des arabesques avec une vitesse stupéfiante. Une lumière vive brillait au bout de ses douze doigts en action. En étant attentif, on pouvait voir brièvement crépiter les étincelles de psyon dans les gravures stylisées.

Plus loin, un Balkor, reconnaissable entre mille aux prises cylindriques qui saillaient de sa nuque, étudiait avec attention les semences de céréales qui glissaient entre ses doigts. Tout un symbole pour un peuple qui, des milliers d’années plus tôt, avait échappé de peu à l’extermination par ses propres Intelligences Artificielles. Le vendeur Palsunn lui vantait les caractéristiques des graines en arborant son plus beau sourire du haut de son crâne. Des plantes à la croissance accélérée au psyon, cultivées et stimulées à la main disait-il, en provenance directe de Bioch, le grenier de l’Empire. Qualité certifiée par la Maison des Agros. Ses yeux, qui pointaient au bas de son visage, sondaient sa proie avec avidité.

Soudain, Syn se sentit doucement mais fermement écarté du passage par une masse bleu nuit, et perdit l’équilibre. Il se cramponna par réflexe au dos du badaud le plus proche. Celui-ci fit volte-face en lâchant un cri strident de désapprobation. Ses multiples mandibules s’agitaient et claquaient dans le vide. Syn s’empressa de s’écarter en adressant un sourire faussement gêné au Tarakh et reprit sa route en étouffant un soupir de soulagement : les Tarakhs étaient réputés pour alimenter avec leur psyon une panoplie d’armes énergétiques mortelles.

Avançant dans l’allée bondée, Syn fouillait la foule du regard pour identifier le responsable de sa mésaventure. Ils étaient trois. Des Gardiens, imposants dans leur armure de pied en cap. La gendarmerie officielle de l’Empire, chargée d’assurer la sécurité et le respect des lois au sein de chaque Maison. Ils marchaient d’un pas assuré vers les éclats de voix à une intersection de là. Syn se faufila pour ne pas manquer le spectacle qui se profilait.

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